Jean-Christophe Debar, directeur de la fondation FARM
L’agriculture contractuelle est depuis longtemps, au Nord comme au Sud, l’objet de vifs débats. D’un côté, elle permet de sécuriser le revenu des agriculteurs en assurant un débouché pour leur production, à un prix fixé à l’avance, tout en garantissant à l’entreprise acheteuse un approvisionnement en quantité et qualité, à une date déterminée. D’un autre côté, le pouvoir de marché dont dispose l’entreprise face à un secteur agricole très atomisé risque de créer entre les deux parties une relation de domination, susceptible de se traduire par un déséquilibre des termes du contrat au détriment des producteurs, voire par leur soumission pure et simple aux « donneurs d’ordre » agro-industriels.
Pour dépasser ce dilemme et explorer les conditions de réussite mutuelle de l’agriculture contractuelle en Afrique, la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM) a constitué un groupe de travail avec trois entreprises françaises – la Compagnie Fruitière, Agrial, Avril -, deux PME africaines – Danaya Céréales (Mali) et Dafani (Burkina Faso) - et une ONG, le Gret. Ce groupe s’est réuni à plusieurs reprises pour partager les expériences des participants et recueillir les témoignages d’une dizaine de témoins issus des différents maillons des filières : transformateurs, organisations agricoles, institutions financières, etc. Le rapport présentant la synthèse de ses réflexions vient d’être publié[1].
Selon ce document, la contractualisation, encore relativement peu développée en Afrique, ne pourra l’être davantage que si une plus grande confiance s’instaure entre les agriculteurs et les entreprises. Cela peut être atteint, notamment, par la mise en place, par ces dernières, d’une diversité de services (assistance technique, fourniture d’intrants, financement, etc.) incitant les producteurs à respecter leurs engagements contractuels de livraison.
Les autres facteurs de réussite incluent une meilleure valorisation des productions et un partage plus équitable de la valeur, par différents moyens : certification des pratiques, mobilisation d’organisations de producteurs compétentes, élaboration de contrats suffisamment souples pour s’adapter à la volatilité des prix. Les technologies de l’information et de la communication portent, en elles-mêmes, une capacité de transformation majeure dans tous ces domaines, car elles permettent une plus grande transparence du marché et un partage des risques à tous les échelons des filières. Enfin, les gouvernements ont un rôle spécifique à jouer en créant un cadre réglementaire favorable.
La contractualisation n’est pas une panacée du développement, mais elle peut constituer, si ces conditions sont réunies, un puissant moteur pour la construction de filières agroalimentaires performantes et inclusives, capables de contribuer au développement durable
[1] Rapport Contractualiser avec les agriculteurs en Afrique, juin 2018, disponible sur le site www.fondation-farm.org