Un enjeu majeur: financer les PME agroalimentaires
Jean-Christophe Debar, directeur de la fondationn FARM
« Trop grandes pour la micro-finance et trop petites pour les banques et les fonds d’investissement traditionnels » : voilà ce qui caractérise les petites et moyennes entreprises (PME) du secteur agro-alimentaire en Afrique, selon un rapport récemment publié par le réseau hollandais AgriProFocus[1]. Privées des financements dont elles ont besoin, les PME stagnent ou échouent. C’est un gâchis, car elles contribuent fortement à la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et la création d’emplois et sont ainsi un atout majeur pour atteindre les objectifs de développement durable énoncés par les Nations unies en 2015.
Les plus gros fonds n’investissent pas directement dans les entreprises ; ils privilégient les banques et les institutions de micro-finance. Le rapport identifie 14 fonds spécialisés qui ont pris des participations de moins de 5 millions de dollars dans des PME agroalimentaires africaines (la plupart des transactions se situent en fait dans une fourchette de 100 000-250 000 dollars). Le capital total investi, 230 millions de dollars, est bien en-deçà des besoins.
Les enquêtes effectuées auprès de quinze PME agroalimentaires au Kenya, au Mali, en Tanzanie et en Zambie montrent les causes du déséquilibre existant entre l’offre et la demande de capital-risque. Beaucoup de fonds sont trop petits, compte tenu de leurs coûts opérationnels. Et ils se fixent des objectifs de rentabilité trop élevés, d’ailleurs rarement atteints. De leur côté, nombre de firmes familiales souffrent d’une mauvaise gouvernance et d’une gestion peu rigoureuse. Elles ne sont pas capables de répondre aux exigences des financeurs, surtout si celles-ci comprennent des critères sociaux et environnementaux imposés par les bailleurs.
Pour remédier à cette situation, estime AgriProFocus, il faudrait que les fonds adoptent des stratégies d’investissement graduelles et différenciées selon la taille de l’entreprise et son stade de développement. La demande des PME à l’égard du capital-risque est en effet très diverse. Elles doivent être accompagnées tout au long de leur trajectoire de croissance, avec des outils de financement adaptés et une assistance technique appropriée. Encore faut-il que les fonds eux-mêmes puissent emprunter à des conditions préférentielles, grâce notamment à des financements mixtes, privés et publics. Les bailleurs et les Etats ont un rôle crucial à jouer pour réduire le coût du risque supporté par les petits entrepreneurs et leur permettre de faire épanouir leurs projets.
[1] Critical Capital for African Agrifood SMEs. A review of demand for and supply of risk capital for Agrifood SMEs in Sub-Sahara Africa. Based on field studies in Kenya, Tanzania, Zambia and Mali, AgriProFocus, Food and Business Knowledge Platform, ICCO Cooperation, Rabobank Foundation, 2018.